Les éditions du Seuil proposent une analyse critique du discours de Eric Zemmour, sous la plume de Cécile Alduy, intellectuelle de gauche.
Résumé de la mini-thèse ( 50 pages ) de l’auteure
Éric Zemmour « retourne », « dissous », le sens des mots. Exemples : le féminisme est un totalitarisme, le libéralisme est liberticide.
Il utilise donc les mots comme des armes. Il stigmatise les mots de l’adversaire. Il use d’un discours violent, manichéen, pour installer une folle vision du monde.
Car il présente une forme de démence : le Paris vide ( pour cause de confinement ) lui inspire le Paris que découvrit Hitler un petit matin de juin 1940, fantasmes morbides, fantasmes de guerre, fantasmes de domination.
Et si, tout aussitôt, Zemmour évoque les grands films populaires Paris brûle-t-il ou La grande vadrouille, c’est pour « brouiller les références ».
Une « manipulation psychique », conclut l’auteure.
Ainsi donc Eric Zemmour serait un fou, et un manipulateur surdoué dans l’usage de la langue.
C’est une sévère accusation. Est-elle démontrée ? Rien n’est moins sûr.
Que penser de cette lourde charge ?
L’analyse sémantique que présente Madame Alduy nous paraît éminemment discutable.
Car si Zemmour se livre effectivement à des redéfinitions de mots et de concepts, il le fait explicitement. Par exemple, selon lui, le terme discriminer ( choisir ) ne serait pas nécessairement critiquable, le terme coloniser ( installer son pouvoir et sa culture ) pourrait être vu comme une chance et certainement pas un crime contre l’humanité.
Madame Alduy peut-elle condamner cette pratique, pourtant franche puisque explicite, au seul motif qu’elle se trouve en désaccord sur les définitions ? Pourquoi faudrait-il s’en remettre aux siennes ? Ne peut-on en discuter ? Détiendrait-elle, a priori, la vérité ?
Par ailleurs, Madame Alduy conclut à la folie de son sujet… en le dépeignant de façon biaisée.
Car s’il est vrai que Zemmour a parlé de Paris en faisant référence à Hitler, il l’a fait également en référence à d’autres périodes historiques, et, souvent, en référence à nos grands écrivains. Et ce, avec autant d’érudition que d’admiration, pour Balzac, pour Hugo…
Il est donc injuste, et inexact, de laisser penser que chez Zemmour, les rêveries de promeneur se limitent à une « fascination » pour la guerre et la mort.
En réalité, il n’y a aucun élément dans le travail de Madame Alduy qui permette de conclure à une forme de dérangement mental de son sujet. Et en tout cas, pas plus ( et même plutôt moins ), que Macron qui, en meeting, hystérise sur son projet, ou Mélenchon qui hurle à la face des policiers la sacralité de son corps d’élu.
En fait, l’analyse psychologique proposée par Madame Alduy est en partie fort lucide, quand se dessine le profil d’un sujet quelque peu immature, avec tendances obsessionnelles. De là à faire de la personnalité d’un individu une machine à nuire volontairement et tortueusement à ses contemporains, il y a un abîme ! Et il y a, finalement, une ignorance de l’axiome fondamental de la psychanalyse : on n’est pas maître chez soi. Zemmour pas plus qu’un autre humain, pas plus que ses adversaires.
Madame Alduy caricature dessein le travail et la personnalité de Zemmour.
Quel mobile anime Madame Alduy ?
Son travail ressort de l’argumentaire militant. Ce qui serait recevable… si elle l’assumait !
Or, au contraire, l’éditeur essaie de la crédibiliser en la présentant comme une sommité intellectuelle, un peu au-dessus de la mêlée, exerçant un double magistère :
D’une part, professeure de littérature à Stanford… mais où sont l’analyse contradictoire, le recul, la contextualisation, l’impartialité, l’approche scientifique de l’universitaire ?
D’autre part, journaliste politique… mais où sont donc le souci de vérité, le respect des sources ( écrites en l’occurrence ) et la neutralité dans l’analyse, qui caractérisent la déontologie journalistique ?
Cette publication n’offre rien en termes de rigueur intellectuelle, et doit tout à la propagande militante.
Cela étant, Madame Alduy écrit… comme on verse un seau de boue sur l’adversaire. Et elle y prend plaisir. Et elle écrit bien. Son texte se lit ainsi, non pas comme un travail un tant soit peu sérieux, mais plutôt comme un bel exemple de jouissance intellectuelle.
La langue de Zemmour
Cécile Alduy
Le Seuil, 2022