Entre le président réélu, acquis au nucléaire, et le leader écologiste, qui défend la sortie du nucléaire, c’est… le coup de foudre.

La campagne n’était pas encore terminée que le président-candidat faisait déjà fuiter son intention de recruter, à un poste de ministre, le candidat écologiste. 

Pourquoi tant d’impatience ?

Yannick Jadot fut le plus populaire des opposants de gauche pendant le premier quinquennat, réussissant notamment à atomiser Mélenchon aux européennes de 2019, où Europe Écologie obtint deux fois plus de voix que la France Insoumise. 

A l’issue de l’élection présidentielle, il passe derrière son « camarade », mais conserve la confiance de 4 % des électeurs. De quoi faire basculer beaucoup de duels aux prochaines législatives. Et peut-être beaucoup de votes de lois dans la prochaine Assemblée.

On comprend l’empressement du président. Faire sa cour à Jadot maintenant, c’est tenter de le dissuader d’unir son parti avec celui de Mélenchon. Mais même si Jadot reste chez les Écolos à l’intérieur de la « Nouvelle Union Populaire » en cours de construction, rien ne l’empêchera de rejoindre le gouvernement de Macron II.

Car il donnerait tout, Jadot, pour un peu de lumière et un maroquin.

Il a donné le peuple de gauche, en février dernier, quand, crédité de 6 % dans les sondages, il était devenu parfaitement clair qu’il ne réunirait pas sur son nom les électeurs de son camp, et qu’au contraire, son maintien dans la course condamnait la gauche à être absente du second tour. 

Jadot, la nouvelle Taubira.

Et maintenant, il est prêt à tout lâcher de ses convictions, y compris le principe constitutif de l’identité verte en Europe : rappelons-nous le slogan inaugural de l’écologie politique, en 1975 : Atomkraft, Nein Danke.

Jadot est réputé modéré dans le mouvement écologiste, par opposition à sa rivale Sandrine Rousseau réputée radicale. On ignorait que chez cet homme, même la modération est modérée ! Sa morale politique est modérément courageuse, ses convictions sont modérément relatives, ses réponses aux journalistes – qui veulent savoir s’il ira ou non à la soupe – sont modérément équivoques. 

Dans le champ psychologique, le thème de la modération correspond à une forme d’équilibre chez de très nombreux individus. En eux, rien n’est exacerbé, extrême, effréné. En amour, au bureau, en sport, ils ne s’éloignent jamais du point d’équilibre. Ces personnalités sont les plus appropriées à nombre d’activités humaines, certaines très valorisées, telles que la magistrature, d’autres peu considérées, telles que la politique politicienne.

Depuis l’ouverture de la campagne pour les législatives, Jadot reste discret. Il s’est diplomatiquement effacé de la négociation Verts / Insoumis. Leur accord est signé dès les premiers jours de mai. 

Il va maintenant attendre quelques semaines, le temps que l’élection des nouveaux députés confirme la déroute du camp, qu’il soit uni ou non, de la gauche.

Alors il s’installera à la terrasse du bistrot chic le plus proche de l’Élysée. Il posera son mobile sur le plateau de marbre du guéridon, à côté de la tasse de ristretto bio. Et il fixera l’écran, dans l’attente de l’appel.